17 novembre 2022

La marinière, un symbole du style à la française

Indispensable, indémodable, indétrônable, la marinière est aujourd’hui un emblème du style intemporel à la française. Pièce fétiche, vêtement intemporel, facile à porter et à associer selon les styles, personne ne peut se lasser de ce classique.

Pourtant, cette pièce n’était pas destinée à un tel destin. Sous-vêtement des classes populaires puis pièce militaire de la Marine, qui aurait pu imaginer que ce tricot rayé deviendrait l’apanage des créateurs ?

Petite histoire

Loin du vêtement à rayures, la marinière est dans un premier temps une blouse claire et bouffante avec un col marin. Ce que l’on appelle aujourd’hui marinière s’est transformé au cours du temps. Cette pièce est un vêtement pour les matelots d’équipage, en jersey épais et résistant.

Dans sa version traditionnelle, la marinière est un top en jersey ou tricot à manches longues, bleu avec des rayures horizontales blanches. Le bleu indigo est particulièrement utilisé même s’il existe des versions plus foncées dès le XIXème siècle. Historiquement, les marginaux portent la marinière comme un sous-vêtement. La marinière n’était donc pas totalement visible.

En raison de son apparence caractéristique, repérable dans les flots, la Marine tsariste l’adopte pour ses uniformes. C’est tout du moins ce que la légende raconte. Cette tendance est suivie par d’autres pays et notamment la Marine française.

La marinière devient la tenue officielle à la suite d’un décret le 27 mars 1858. Elle n’est alors pas une pièce tendance et doit suivre des règles strictes. Le bleu indigo est utilisé. 20 à 21 rayures blanches deux fois plus larges que les rayures bleues sont présentes pour le corps. Il en faut 14 à 15 pour les manches. C’est la naissance de la véritable marinière à la française

De la tenue militaire au style intemporel

Gabrielle Chanel utilise pour la première fois la marinière dans ses collections en 1916. Mais quel type de marinière utilise-t-elle ? Le modèle classique, la blouse à col marin ou le tricot rayé ? Les détails divergent. Néanmoins, il est certain que Coco Chanel ouvre une boutique à Deauville à partir
de l’été 1913.

Partir en vacances est réservé à une petite partie de la population française qui en a les moyens. La ville est alors un prolongement de la vie mondaine parisienne. Gabrielle Chanel y développe des collections de vêtements plus décontractés notamment pour les femmes, ce qui est une grande première.

Habituée de ces stations balnéaires, Coco Chanel croise de nombreux marins qui l’inspirent. C’est ainsi qu’elle donne naissance à une véritable tendance qui dure plus d’un siècle. Elle propose des pièces marinières, c’est-à-dire des blouses à col marin.

Pourtant, elle-même porte un top en jersey, précurseur des marinières à la française modernes. En raison de la pénurie de matières premières, Gabrielle Chanel utilise des maillots de jersey de la Marine pour confectionner des robes pour femmes. Ces robes sont courtes, plus amples et confortables. C’est un début pour le style sportswear.

Par la suite, Yves Saint Laurent apporte sa contribution à la tendance marinière au fil de ses créations. Lors de sa première collection en janvier 1962, il dévoile un ensemble avec un top à col marin et une jupe, le tout rayé, qu’il appelle « marinière».

La nouvelle définition est posée. La collection « matelot » en 1966 poursuit dans la même voie. Yves Saint Laurent propose notamment des robes à rayures pailletées. La collection entière est tournée autour de la marinière, et complétée par des cabans et cols marins.

La marinière moderne

Jean-Paul Gaultier fait du tissu rayé blanc et bleu sa signature. Il décline la marinière à l’infini, dans les formes, les nuances de bleu et les matières. C'est en 1976 que la marinière fait son apparition lors de son premier défilé. Elle devient néanmoins emblématique lors de la collection de prêt-à-porter masculin « L’Homme-objet » de 1983. La marinière est un dos-nu porté par un homme.

ci encore, Jean-Paul Gaultier innove et joue avec les genres. Le créateur réinvente la marinière à chacune de ses collections, robe sophistiquée, trompe-l’œil, avec des cristaux, des laçages ou des plumes. Il incarne même le renouveau de cette pièce en la portant au quotidien.

Jean Paul Gaultier crée une nouvelle image, branchée et séductrice, de la marinière. Il décline également cette pièce lors de la création de son parfum Le Mâle. En effet, le flacon est un torse masculin… portant une marinière !

Dans la collection 2021 de Jean Paul Gaultier, Olivier Rousteing renouvelle une nouvelle fois la marinière en s’inspirant des pièces iconiques de la maison. Il rend ainsi hommage à la marinière à la française et au créateur. Ainsi, il décide de créer une pièce avec un artisan français, Robert Mercier, pour incarner le flacon du Mâle.

Comment porter la marinière à la française ?

La marinière à la française s’est imposée comme une pièce intemporelle. La pièce est par essence l’élégance effortless, mais elle s’adapte également à la nouvelle tendance sportswear.

Les parisiennes la portent avec les couleurs d’origine. En tant qu’indispensable du dressing, elle se porte aussi bien avec un jean boyfriend qu’avec un perfecto en cuir ou un trench, incontournable de l’automne. Les mannequins américains choisissent des modèles graphiques et plus colorés. Mais il arrive qu’elles optent pour un total-look marin, avec un caban et une casquette.

Les marinières made in France, la quintessence du style à la française

La marinière est devenue un symbole de la production made in France. En octobre 2012, Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Économie, défend le made in France. Le ministre accepte de porter une marinière à la française en couverture du Parisien afin d’illustrer son combat. Le tricot en jersey est alors de la marque Armor Lux, fabriqué en Bretagne.

La marinière devient l’emblème de la production éthique française. Ce cliché a inspiré d’autres entrepreneurs comme John Persenda, le dirigeant de la marque Alfapac.

En effet, de nombreuses marques françaises n’ont jamais délocalisé leurs ateliers de fabrication. C’est la force de cette pièce iconique. À ses débuts, la Manufacture de Bonneterie Lorientaise fabrique des pulls marins pour les pêcheurs bretons. Devenue la marque Le Minor en 1982, elle diversifie ses produits afin de proposer de nouvelles marinières en coton.

À partir des années 1970, la Manufacture commercialise des marinières confectionnées localement. C'est en Bretagne que les artisans tricotent le tissu, il est épais, rustique, le coton n’est pas adouci. La marque développe ses marinières en proposant un coton plus doux, l’évolution de la palette de couleurs et des jeux de rayures variés.

Les marinières deviennent un produit de luxe, et sont un des principaux produits à l’export. Le Japon, par exemple, est très friand de marinières à la française !

Lien article sur les ambassadeurs du made in France

La marinière Le Minor

Par ailleurs, Le Minor détaille ses différentes étapes de fabrication. La marque utilise un coton filé dans les Vosges qui est expédié en Bretagne. Le choix des matières premières est primordial. Pour ces pièces, un fil de coton cardé, c’est-à-dire brut, est choisi. Il se patine au gré du temps et confère une robustesse au vêtement.

Par la suite, l’atelier situé à Guidel se charge du processus. Tout d’abord, on tricote le fil afin d’obtenir un jersey rayé. Deux épaisseurs sont possibles, on parle de maille épaisse ou fine. Les machines utilisées sont des tricoteuses à spirale. Elles peuvent tricoter du tissu en continu.

Le Minor utilise des machines antiques. Il est nécessaire de les paramétrer très précisément afin d’obtenir des rayures visuellement agréables. Le tissu passe par l’étape de l’ennoblissement permettant de rétracter le coton et de le rendre plus stable.

Enfin, le tissu est coupé manuellement. Cela permet de décliner les marinières en plusieurs types de vêtements. Enfin, les marinières sont assemblées. La précision est une fois de plus de mise afin d’obtenir un accord entre les rayures. La marque Le Minor apporte une qualité de finition qui en fait un véritable produit de luxe.

En somme, la marinière à la française est issue de matières rustiques permettant la confection d’une pièce traditionnelle, de luxe et durable.