La défense des savoir-faire d’excellence est mise en œuvre quotidiennement par les grandes maisons, qui en font une raison d’être.
05 septembre 2022
Défendre les savoir-faire français d’excellence
Cette mission est d’une nécessité vitale pour que l’industrie du luxe français perpétue son image d’exception, tant sur le plan créatif que sur le plan économique et social. Quelles initiatives ces entreprises mettent-elles en place pour protéger et mettre en valeur le patrimoine artisanal français ?

Le 19M Chanel Paris, espace consacré aux savoir faire d'excellence
Chanel a son campus du savoir-faire à Paris
La volonté de transmettre et de rassembler les ressources unies derrière la défense du savoir-faire est au premier plan chez Chanel. Depuis 1985, la maison a engagé une démarche de sauvegarde de l’artisanat français par l’acquisition de maisons telles que Lesage (brodeur), Lemarié (plumassier), Lognon (plisseur) ou encore Massaro (bottier). Ainsi, le défilé annuel Métiers d’art, lancé en 2002 par Karl Lagerfeld, affirme la volonté de célébrer ce patrimoine artisanal.
De la même manière, la maison Chanel a ouvert en 2022 un lieu unique au monde appelé le 19M. “Pourquoi l’avons-nous baptisé 19M ? M pour Métiers d’art, M pour mode, M pour main, M pour maison et manufacture. Ceci pour témoigner de notre attachement absolu à ces artisans. Et 19 parce que nous sommes dans le XIXème arrondissement de Paris, et parce que c’est le jour de la naissance de Gabrielle Chanel”, détaille Bruno Pavlovsky, président des activités mode de Chanel.
Cet espace de 25 500 mètres carrés est signé de l’architecte Rudy Ricciotti. Il réunit vingt-deux maisons d’artisanat et pas moins de 600 artisans et collaborateurs sur cinq niveaux.

La Fondation Hermès, une référence en la matière de savoir-faire
Il en va de même chez Hermès, à travers sa fondation d’entreprise. “Nos gestes nous créent et nous révèlent”, telle est sa devise depuis sa création en 2008. Engagée à travers quatre axes, elle oeuvre en faveur de la transmission, l’éducation, la biodiversité et l’environnement.
Que ce soit avec l’Académie des savoir-faire, les résidences d’artistes établies à Pantin, les programmes Manufacto et Manuterra, le champ d’action de la Fondation d’entreprise Hermès est vaste. L’implication en milieu scolaire est un prologement naturel, via le programme Manufacto, lancé en 2016. La fondation propose à des élèves (primaire, collège, lycée) de réaliser un objet au cours de 12 séances en atelier avec un artisan. Les savoir-faire d’excellence mis en avant sont ceux de la maroquinerie, la menuiserie, la sellerie ou encore de la plâtrerie. Le programme est passé de six établissements partenaires à 75, répartis sur tout le territoire.
L’objectif est atteint, d’autant plus que du point de vue des élèves. Cette action a pu susciter de nombreuses vocations et révéler des compétences cachées. Se destiner à une voie professionnelle et technique peut être valorisant et source de fierté.
LVMH, entre art et formation diplômante
Encourager et stimuler l’esprit d’innovation des artisans, telle est aussi une mission prioritaire chez LVMH (Louis Vuitton). Le groupe inaugurait en 2016 la résidence artistique Métiers d’art. Cela consiste à associer un artiste et des manufactures de savoir-faire. Ainsi, la résidence accueillait en 2021 la peintre franco-danoise Eva Nielsen, lauréate du Grand Prix de la Tapisserie d’Aubusson en 2017. Elle a pu réaliser des oeuvres faites de cuir et de soie en partenariat avec les Tanneries Roux, maison fondée en 1803.
Le groupe dirigé par Bernard Arnault a fait de l’éducation son cheval de bataille, en lançant une formation d’alternance dans le luxe. Renommée l’Institut des Métiers d’Excellence, cette formation a accompagnée plus de 1,400 apprenants depuis 2014. Elle a pour but de transmettre les savoir-faire d’artisanat d’excellence pour 27 métiers de la création. Ceci grâce à des rencontres avec des experts et des visites d’ateliers.
La Fondation Bettencourt Schueller, précurseure
Cependant, l’acteur visionnaire dans la défense des savoir-faire d’excellence reste la Fondation Bettencourt-Schueller (L’Oréal). Elle vise depuis plusieurs décennies à inscrire les métiers d’art dans une dimension contemporaine. Mécène du projet Campus Versailles, elle soutient un programme de formation inédit au sein du Château de Versailles. Il a pour but de contribuer à la formation d’une nouvelle générations d’artisans.
Ce projet prend appui sur une initiative de la fondation, qui a fait sa renommée depuis 1999 : le prix Liliane Bettencourt pour l’intelligence de la main. Ce prix récompense annuellement un artisan d’art pour la réalisation d’une oeuvre crée grâce à la maîtrise d’un savoir-faire d’artisanat.
La Fondation Bettencourt-Schueller est aussi mécène des métiers d’art et de la restauration de Notre-Dame de Paris. Son action est de mettre elle-même en avant plusieurs métiers indispensables à la restauration de la cathédrale. Elle soutient également le Village des métiers d’art du chantier de Notre-Dame, organisé par l’établissement public chargé de la restauration de la cathédrale.

© Photo Sophie Zénon pour la Fondation Bettencourt Schueller.
Martell et Rémy Cointreau misent sur l’authenticité
Le secteur des vins et spiritueux manifeste tout autant son intérêt pour les savoir-faire d’artisanat. Surtout parce qu’il est le représentant d’une culture de gestes uniques et d’un art de vivre, qu’il convient de valoriser.
Ainsi, la Fondation Martell (Pernod Ricard) explore depuis 2016, les arts plastiques, l’architecture, le design et le spectacle vivant. Ses Ateliers du faire incarnent la collaboration étroite entre artistes, designers et artisans locaux. Les équipements permettent d’y travailler le bois, le verre et la céramique. Ceci pour créer des articles de haute qualité et innovants, parfois dédiés à la vente.
La Fondation Rémy Cointreau montre tout autant son engagement envers la transmission. Orfèvres, dentelliers, sculpteurs, coutelliers ou ferroniers d’art… Elle agit en faveur des terroirs dans leur expression culturelle par un accompagnement étroit d’artisans d’exceptions. Plusieurs dizaines d’artisans ont été accompagnés par cette fondation, définitivement ancrée dans un champ d’action régional.
Ces exemples sont bien le signe que l’industrie s’est organisée pour promouvoir l’artisanat tout en défendant ses valeurs, de manière concrète. Ces initiatives ont été imaginées avant tout pour faire connaître l’artisanat et faire comprendre son importance culturelle au plus grand nombre.
À la croisée de multiples univers, l’artisanat d’excellence est une richesse immatérielle différentiante.
Véritable atout pour les territoires et l’économie réelle, la préservation du patrimoine est une nécessité qui participe au rayonnement et l’attractivité de la France à l’international.