Nombreuses sont les marques de maroquinerie qui ont fondé leur identité sur l’imaginaire du voyage. Malles, bagages et sacs font partie d’un art du voyage qui se développe dès le XIXème siècle. Retour sur ce mythe fondateur qui laisse encore aujourd’hui son empreinte sur l’univers de la maroquinerie.
12 janvier 2023
Voyage et maroquinerie : une rencontre de longue date
La révolution des transports au XIXème siècle débute sur terre
Le XIXème siècle est caractérisé par de nombreuses innovations scientifiques et technologiques dans le contexte de la révolution industrielle. Grâce aux progrès techniques, les modes de transport se diversifient et se modernisent. C’est l’apparition de la machine à vapeur qui révolutionne le domaine des transports. Désormais, en bateau ou en train, les hommes et les marchandises circulent plus rapidement et librement. Une véritable industrie du voyage se développe d’abord au bénéfice des classes les plus aisées qui profitent des nouveaux moyens de transport pour leurs voyages d’affaires ou de loisir.
D’une part, l’avènement du chemin de fer accélère l’essor du tourisme. La ligne Paris – Saint-Germain-en-Laye, inaugurée en 1837, est la première ligne conçue spécialement pour le transport des voyageurs. Elle connaît rapidement un grand succès auprès de la bourgeoisie parisienne qui apprécie l’emprunter pour passer quelques jours au vert.
Et se développe sur la mer
D’autre part, le transport maritime bénéficie aussi de la révolution apportée par la machine à vapeur. En 1819, un navire à vapeur réalise pour la première fois la traversée de l’Atlantique. Ces nouveaux bateaux s’affranchissent en partie des aléas météorologiques car ils ne dépendent plus du vent. Il est alors possible de prévoir des voyages d’une durée précise et à une date fixe : c’est la naissance des lignes régulières.
A partir de 1836, un service fluvial régulier est instauré entre Paris et Rouen, permettant aux voyageurs de rejoindre le Havre d’où partent les paquebots pour l’étranger. En 1907, le voyage inaugural du paquebot Adriatic marque le début des croisières transatlantiques. Ces croisières mettent l’accent sur le luxe et le confort plutôt que sur la vitesse de la traversée. Certains de ces paquebots de luxe sont restés mythiques : le France, le Normandie ou encore le tristement célèbre Titanic.
Par ailleurs, au cours du XIXème siècle, le réseau routier se développe et se consolide en France. Toutefois, il faudra attendre le siècle suivant pour assister à une véritable démocratisation de l’automobile. Les voitures du XIXème siècle sont encore hippomobiles c’est-à-dire tirées par des chevaux, mais la qualité des routes offre de nouvelles perspectives aux voyageurs. Conjointement à l’industrie du voyage, l’industrie du bagage prend son essor. Malletiers et maroquiniers redoublent d’inventivité pour accompagner les voyageurs modernes dans leurs périples en train, en voiture ou en bateau.

Louis Vuitton : l’invention d’une malle iconique pour les voyages
Dès les années 1850, Louis Vuitton, malletier à Paris, invente les malles modernes. Témoin de la révolution des transports et des modes de vie, Louis Vuitton remarque que les malles traditionnelles, bombées, sont encombrantes et difficiles à stocker dans un coffre de voiture, dans un train ou un bateau. Dès lors, il met au point les premières malles plates, pratiques et faciles à empiler.
Les malles deviennent rapidement des objets de luxe prisés. Les malletiers proposent des produits de plus en plus personnalisés à leurs clients, avec par exemple les initiales de la famille. La malle de luxe de Louis Vuitton, commercialisée dès 1876, est reconnaissable à ses bordures en cuir, ses finitions en laiton, son intérieur doublé et ses clous frappés du nom du fabricant.
Les malles se diversifient au début du XXème siècle pour s’adapter aux différents usages des voyageurs. Par exemple, des malles sont conçues spécialement pour transporter les chapeaux. Afin d’accompagner les voyageurs des croisières transatlantiques, on adapte des malles cabines aux dimensions d’une cabine de bateau. On trouve même, fabriquées par la maison Vuitton, des malles secrétaires, contenant une petite tablette servant d’écritoire, des tiroirs pour ranger les gants, des emplacements pour les chapeaux et d’autres pour les chemises. Ces objets sont devenus aujourd’hui de véritables pièces de collection.
Ainsi, dès sa fondation en 1854, la maison Vuitton appuie sa renommée sur l’imaginaire du voyage. Elle révolutionne l’industrie de la malle et accompagne l’évolution du transport et du voyage au fil des années.

Hermès : des harnais aux bagages
Hermès est à l’origine un fabricant de harnais et de selles. La marque convoque déjà l’univers du voyage en faisant référence à l’évasion et à la vitesse associées au cheval, qui était alors le principal moyen de transport.
Au début du XXème siècle, les attelages disparaissent peu à peu de la vie quotidienne des Français, remplacés par les moyens de transport modernes. Pour s’adapter à cette évolution des modes de vie, Hermès oriente son activité vers la maroquinerie et développe des bagages et des sacs de voyage. L’artisan sellier réinvestit ainsi son savoir-faire pour accompagner le passage de l’ère du cheval à celle de l’automobile.
En 1922, Émile Hermès obtient l’exclusivité d’une innovation technique rapportée d’un voyage au Canada : un «ferme-tout », ancêtre de la fermeture Éclair. Ce système est décliné sur les différents bagages Hermès. Aujourd’hui, Hermès propose toujours une large gamme de bagages, de sacs de voyages et de valises.
En effet, l’art du voyage, qui a façonné les débuts de nombreuses maisons de maroquinerie, continue aujourd’hui d’irriguer leur identité de marque
L’imaginaire du voyage continue d’irriguer l’ADN de nombreuses marques de maroquinerie
Dépassant la fabrication de bagages et de malles, l’art du voyage imprègne l’identité même de la maison Vuitton. Ainsi, en 2022, Louis Vuitton a sorti une collection capsule baptisée «Flight Mode », avec des pièces élégantes et confortables conçues pour les « échappées belles ». Le site Internet de Louis Vuitton a par ailleurs toujours un onglet dédié au voyage, avec les malles iconiques mais aussi des bagages roulants, des sacs de voyage et différents accessoires comme des trousses ou des étuis.
De plus, comment ne pas citer l’exemple de la Maison Goyard, l’un des plus anciens malletiers parisiens ? Fondée en 1792, la Maison Goyard conçoit des malles, des sacs de voyages, des valises, des boîtes à chapeaux ou encore des sacs à dos. Son savoir-faire accompagne ainsi les voyageurs depuis plusieurs siècles. Les créations contemporaines de la Maison Goyard évoquent encore l’âge d’or des voyages de luxe, des croisières transatlantiques ou de l’Orient-Express. Mythe fondateur de cette maison, le voyage est vu comme un art de vivre.
Enfin, la marque de maroquinerie Léon Flam présente ses produits comme une invitation au voyage. L’atelier Léon Flam a été créé à Paris en 1924. On y confectionne des bagages en toile et en cuir. Le savoir-faire de Léon Flam attire rapidement de nombreux voyageurs, dont les pilotes de l’aventure aéropostale. Aujourd’hui encore, Léon Flam revendique l’imaginaire du voyage comme faisant partie intégrante de l’ADN de la marque. Les lignes de maroquinerie actuelles s’inspirent de l'aérien. On réinterprète les codes emblématiques des sacs des pilotes du début du XXème siècle pour des bagages contemporains. Le plus ? Les produits Léon Flam sont fabriqués à la main en France avec des matières durables et locales.
