La Maison Fabre ou la ganterie française

Depuis 1924, la Maison Fabre fabrique des gants à Millau, perpétuant un savoir-faire d'exception. Portrait d'une maison française bientôt centenaire. 

La ganterie millavoise : un savoir-faire français reconnu 

Dès le XIXème siècle, la ville française de Millau s’impose comme la capitale mondiale du gant. Des milliers de familles de la région vivent alors de la ganterie. Mais à partir des années 1970, on délocalise de nombreuses industries dans les pays émergents et le nombre d’ateliers diminue. Aujourd’hui, selon l’Institut national des métiers d’art, il ne reste que quatre ateliers de confection de gants dans le département de l’Aveyron. 

Cependant, le savoir-faire gantier a perduré de génération en génération ; le gant restant un accessoire recherché et apprécié. Les maisons de haute couture et les stylistes participent d’ailleurs de cet intérêt en faisant régulièrement appel aux gantiers pour leurs collections. 

La Maison Fabre fait partie des ganteries millavoises qui perpétuent ce savoir-faire vieux de plusieurs siècles. Olivier Fabre, qui dirige avec son frère la maison familiale, crée en 2019 l’association « Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel en pays de Millau ». C’est le début d’une nouvelle aventure pour la ganterie millavoise. 

Et pour cause, cette association se charge de déposer la candidature de la ganterie de Millau au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. C’est un projet de longue haleine, qui nécessite d’impliquer d’une part les pouvoirs publics et le ministère de la Culture, et d’autre part la filière du gant dans son intégralité. En effet, c’est l’ensemble des métiers et des savoir-faire, depuis l’élevage et le travail des matières premières jusqu’à la confection des gants, qui seraient concernés par cette reconnaissance de l’UNESCO. Le dossier sera finalisé et déposé en 2023 auprès de l’organisation, qui rendra son verdict en 2024. 

La Maison Fabre : une histoire de famille 

Ce n’est pas un hasard si la Maison Fabre est celle qui a initié la candidature de la ganterie millavoise au patrimoine immatériel de l’UNESCO. Les Fabre fabriquent en effet des gants à Millau depuis quatre générations. C'est Etienne Fabre en 1924 qui fonde cette entreprise familiale. Ce sont aujourd'hui ses arrière-petits-fils, Olivier et Jean-Marc qui dirigent. 

Etienne Fabre s’est rapidement imposé comme un artisan de renom, en faisant des gants blancs en chevreau sa spécialité. Dans les années 1950, son fils Denis et sa belle-fille Rose donnent un nouvel essor à l’atelier familial. Rose voyage aux quatre coins du monde afin de faire connaître les gants de la Maison Fabre à l’international. Elle crée par ailleurs des modèles de gants raffinés pour des maisons de haute-couture parisiennes. La manufacture, installée au cœur de Millau, emploie alors jusqu’à 350 personnes. 

La Maison Fabre : un renouveau famillial 

Mais dans les années 1970, les ganteries ferment leurs portes les unes après les autres. Louis Fabre, le fils de Rose et de Denis, sauve l’entreprise familiale en lançant une ligne de maroquinerie et en travaillant avec de Grands Magasins.

En 1978, la Maison Fabre ouvre sa toute première boutique à Millau. Il faudra attendre 2008 pour qu’un magasin naisse à Paris, sous les arcades des jardins du Palais Royal. 

Olivier et Jean-Marc Fabre prennent les rênes de la maison familiale à la fin des années 1990. Ils s’emploient à moderniser la marque tout en pérennisant le savoir-faire transmis par leurs parents et grands-parents. 

La Maison Fabre propose deux collections par an, à chaque fois riche de près de 120 produits. Des indémodables classiques aux pièces plus modernes, il y en a pour tous les goûts ! La Maison travaille avec des créateurs et des grandes marques, mais aussi avec le cinéma. Par exemple, les gants portés par Nicole Kidman pour incarner Grace de Monaco dans le film d’Olivier Dahan ont été conçus dans les ateliers de la Maison. 

D’autres liens existent entre la Maison Fabre et le septième art. Pour le centenaire de la disparition de Jean Cocteau, la Maison Fabre a réédité les gants de La Belle et la Bête. Cette paire de gants unique, brodée à la main au fil d’or, semblant tout droit sortie d’un conte de fée, est exposée aujourd’hui au musée de Millau. 

En 2013, la Maison Fabre obtient le label Entreprise du patrimoine vivant. Ce label décerné par le Ministère de l’Économie distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux d’excellence. C’est la reconnaissance d’un patrimoine que les frères Fabre ont cœur à transmettre. 

Les secrets d’un savoir-faire traditionnel 

Entrons justement dans les coulisses de cette maison millavoise. Comment fabrique-t-on ces fameux gants ? 

Pour commencer, il faut choisir avec soin les matières premières. C’est au terme de nombreuses années d’expérience que Jean-Marc Fabre parvient à juger au toucher de la qualité d’une peau. La Maison Fabre se fournit auprès de mégisseries en France, au Portugal, en Nouvelle-Zélande ou en Espagne. 

Une fois les peaux sélectionnées, le coupeur les récupère, un moment clé dans le processus de fabrication des gants. En effet, le coupeur est celui qui travaille la peau. Il l’étire d’abord longuement à la main pour l’assouplir, en longueur et en largeur. Il trace ensuite sur la peau le gabarit du gant. 

Les pièces de cuir ainsi travaillées sont coupées à l’emporte-pièce selon la forme définie du gant. Les doigts sont séparés et l’emplacement du pouce évidé : on appelle cette opération la fente. 

Les morceaux de cuir sont alors assemblés pour être cousus en « piqué anglais », la marque de fabrique des gants de Millau. Ensuite, on ajoute le pouce et on coud la doublure avant de terminer par les finitions comme les bordures, les boutons ou les nœuds. 

Enfin, l’ultime étape est le dressage. Les "mains chaudes" permettent de mettre en forme les gants. Ce sont des mains métalliques qui chauffent. C’est l’occasion de procéder à une dernière vérification des coutures et des finitions.

Les différentes générations se transmettent des gestes précis et un savoir-faire expetionnel. Pour Jean-Marc Fabre, tout réside dans l’art de prendre le temps : c’est après un apprentissage patient et plusieurs années d’expérience que s’acquiert un tel savoir-faire. La Maison Fabre, qui fêtera son centenaire en 2024, participe à cette transmission qui fait la richesse de l’artisanat français.

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